Vers l'âge de huit ans une réalité insoupçonnée s'est révélée à moi à Warloy-Baillon. Mon quotidien s'est déchiré, laissant apparaître une lumière à laquelle peu d'êtres ont accès. Rares sont ceux qui dans leur vie ont ainsi été initiés à la subtilité des choses que je vais relater.
Je baguenaudais seul dans la rue, puéril et insouciant, cherchant la distraction comme il est de coutume chez les gens de mon âge... Chemin faisant, je m'arrêtai devant une maison en briques. Je connaissais depuis toujours cette demeure habitée par de vieilles gens aux us désuets (les Francières, nos voisins de la rue du Général Leclerc). Elle faisait partie de mon décor. C'était une fort belle maison, cossue, bourgeoise, quoique austère.
Je n'avais jamais prêté attention à ces murs, sauf peut-être pour m'affliger de leur tristesse, de la gravité de ses occupants. Une grande verrière coiffait le toit. Surannée, imposante, ouvragée avec d'inutiles raffinements, cette verrière garnie de vitraux teintés m'avait toujours semblé cacher quelque salon solennel, sombre et poussiéreux. Je songeais à un presbytère sinistre, à un cloître plein de vieux livres de latin, à un refuge de vieilles dames ennuyeuses...
Mais là, un sentiment inconnu m'envahit. Je vis autre chose que cette sévère, cérémonielle verrière qui m'avait toujours inspiré morosité, pesanteur, archaïsme. Pour la première fois je lui trouvai des attraits étranges, troublants. Derrière l'apparence, je voyais l'invisible. C'était nouveau pour moi.
Une porte s'était ouverte.
Je découvrais avec étonnement que les choses -décors, maisons, objets, insignifiances, détails- bornant le quotidien dans sa réalité la plus banale, la plus terne, cachaient en fait des horizons sans fin. La verrière devenait pour moi un pont entre le visible et le dissimulé. Je ne croyais plus en la simplicité du roc, en la brutalité de la matière, en la grossièreté des apparences. Le monde portait un masque. A travers le sombre vitrage je venais de capter un rai de lumière issu de la face cachée des choses.
Les épais, denses, lourds vitraux composant la verrière me disaient la finesse de leurs effets, la délicatesse de leurs pensées, la légèreté de leur spectre, la profondeur de leurs réflexions, la hauteur de leur esprit...
Ainsi la pierre était vive... Dans la verrière, un souffle, un sortilège, une âme !
Par ses reflets de vérités immatérielles, la verrière me racontait qui j'étais en réalité dans ce monde de mirages palpables. Elle me révélait que celui que j'étais était bien mieux qu'une simple part de matière... J'avais huit ans et je sus désormais que toute chose avait sa face cachée, éthérée, infinie. Jamais je ne me suis remis de l'enchantement. Le Mystère, la Beauté, la Vie sont entrés humblement en moi à travers la verrière.
Raphaël Zacharie de Izarra
Je baguenaudais seul dans la rue, puéril et insouciant, cherchant la distraction comme il est de coutume chez les gens de mon âge... Chemin faisant, je m'arrêtai devant une maison en briques. Je connaissais depuis toujours cette demeure habitée par de vieilles gens aux us désuets (les Francières, nos voisins de la rue du Général Leclerc). Elle faisait partie de mon décor. C'était une fort belle maison, cossue, bourgeoise, quoique austère.
Je n'avais jamais prêté attention à ces murs, sauf peut-être pour m'affliger de leur tristesse, de la gravité de ses occupants. Une grande verrière coiffait le toit. Surannée, imposante, ouvragée avec d'inutiles raffinements, cette verrière garnie de vitraux teintés m'avait toujours semblé cacher quelque salon solennel, sombre et poussiéreux. Je songeais à un presbytère sinistre, à un cloître plein de vieux livres de latin, à un refuge de vieilles dames ennuyeuses...
Mais là, un sentiment inconnu m'envahit. Je vis autre chose que cette sévère, cérémonielle verrière qui m'avait toujours inspiré morosité, pesanteur, archaïsme. Pour la première fois je lui trouvai des attraits étranges, troublants. Derrière l'apparence, je voyais l'invisible. C'était nouveau pour moi.
Une porte s'était ouverte.
Je découvrais avec étonnement que les choses -décors, maisons, objets, insignifiances, détails- bornant le quotidien dans sa réalité la plus banale, la plus terne, cachaient en fait des horizons sans fin. La verrière devenait pour moi un pont entre le visible et le dissimulé. Je ne croyais plus en la simplicité du roc, en la brutalité de la matière, en la grossièreté des apparences. Le monde portait un masque. A travers le sombre vitrage je venais de capter un rai de lumière issu de la face cachée des choses.
Les épais, denses, lourds vitraux composant la verrière me disaient la finesse de leurs effets, la délicatesse de leurs pensées, la légèreté de leur spectre, la profondeur de leurs réflexions, la hauteur de leur esprit...
Ainsi la pierre était vive... Dans la verrière, un souffle, un sortilège, une âme !
Par ses reflets de vérités immatérielles, la verrière me racontait qui j'étais en réalité dans ce monde de mirages palpables. Elle me révélait que celui que j'étais était bien mieux qu'une simple part de matière... J'avais huit ans et je sus désormais que toute chose avait sa face cachée, éthérée, infinie. Jamais je ne me suis remis de l'enchantement. Le Mystère, la Beauté, la Vie sont entrés humblement en moi à travers la verrière.
Raphaël Zacharie de Izarra
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